L’analyse des données de la plateforme Digital Wallonia en 2020 montre que l’Intelligence Artificielle (IA) est une technologie avancée stratégique pour la Wallonie. Présentation de l’écosystème IA : offreurs de solutions numériques, acteurs de la recherche et organismes d’accompagnement.
IA : des technologies et domaines d’application multiples
L'intelligence artificielle (IA) est "l'ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence". Elle correspond à un ensemble de concepts et de technologies plus qu'à une discipline autonome constituée.
Pour citer le cours en ligne Elements of AI : "... le terme IA n’a pas la même signification pour tout le monde. Pour certains, l’IA désigne des formes de vie artificielle qui peuvent surpasser l’intelligence humaine, tandis que pour d’autres, toute technologie de traitement de données, ou presque, peut être qualifiée d’IA..."
L’IA peut prendre des formes multiples et offre de nombreuses opportunités pour ses utilisateurs en termes d’applications. Elle peut aussi permettre de mieux exploiter d’autres technologies, comme la robotique par exemple. Selon Forrester (2016-2017), le concept d’IA recouvre les éléments suivants (liste non exhaustive) :
- Génération automatique de texte (services à la clientèle, génération de rapports et synthèse de business intelligence).
- Reconnaissance automatique de la parole (systèmes interactifs de réponse vocale et applications mobiles).
- Agents virtuels (services à la clientèle et gestion de maison intelligente).
- Plateformes d’apprentissage automatique (applications d’entreprise, impliquant principalement la prédiction ou la classification).
- Matériel optimisé pour l’IA (exécution efficace de travaux informatiques orientés vers l’IA).
- Aide à la décision (applications d’entreprise, d’assistance ou de prise de décision automatisée).
- Apprentissage profond (applications de reconnaissance de formes et de classification, soutenues par le big data).
- Reconnaissance biométrique (principalement utilisée dans les études de marché et la sécurité).
- Automatisation robotisée (automatiser l’action humaine, afin de prendre efficacement en charge certains métiers).
- Analyse de textes et traitement automatique du langage naturel (détection de fraudes, sécurité, assistants automatisés et applications d’exploitation de données non structurées).
Quant aux domaines d’application sociétaux, pratiquement tous les aspects de la vie humaine sont potentiellement concernés.
L’intelligence artificielle en Europe
L’IA est considérée comme une priorité absolue par l’Union européenne dans le cadre de la Digital Europe Policy (DEP) pour les années à venir, de concert avec la cybersécurité et le HPC (calcul haute performance).
Initiatives les plus marquantes de la Commission Européenne
- La publication des premières orientations pour une stratégie IA de l’UE en avril 2018, insistant sur la nécessité de :Placer l’Europe à la pointe des développements technologiques en IA et d’encourager son adoption de l’IA par les entreprises et les pouvoir publics.Préparer les changements socio-économiques entraînés par l’IA.Mettre en place un cadre éthique et législatif approprié.
- Le Livre Blanc sur l’IA, en février 2020, élaborant :Des mesures destinées à accroître les investissements, la recherche et les efforts de collaboration entre Etats Membres en matière de développement et de déploiement de l’IADes propositions pour un cadre réglementaire européen déterminants les prescrits légaux qui s’appliqueraient aux différents acteurs.
- Le rapport “Safety and liability implications of AI, the Internet of Things and Robotics”, en février 2020
- Une consultation publique, en juin 2020, destinée notamment à réviser le Livre Blanc.
- La création de l’European AI Alliance. Il s'agit d'un forum multi-acteurs analysant le développement de l’IA et ses implications socio-économiques. Son objectif est de contribuer à la définition de la stratégie et des actions IA de la Commission. En particulier, il s’agit de préparer des recommandations en matières éthiques et législatives et d’identifier les défis et opportunités posés par l’IA à moyen et long terme.
- Le lancement d’un groupe d’experts de haut niveau en IA. Regroupant 52 experts issus des entreprises, des universités et de la société civile, ce groupe a produit en deux ans quatre délivrables consacrés aux aspects éthiques de la mise en œuvre de l’IA et à des recommandations en matière d’investissements dans les soins de santé, l’industrie et le secteur public.
Enfin, un Plan coordonné sur l’IA en Europe est attendu dès le premier trimestre 2021.
Ces initiatives ne doivent pas masquer les importantes différences entre Etats Membre dans le soutien et l’adoption de l’IA. Ainsi, Roland Berger classait en 2018 les pays européens en trois catégories : les leaders, les pays en rattrapage rapide et les "suiveurs". La Belgique faisait (et fait sans doute encore) partie de cette dernière catégorie.
Selon Asgard (2017), les mêmes tendances se retrouvent au niveau des Hubs de soutien aux startups en IA.
Les initiatives en Belgique
La situation a évidemment évolué depuis lors, avec plusieurs pays lançant d’ambitieux programmes de recherche et de financement dans le domaine de l’IA. En Belgique, cela s’est traduit par:
- l’initiative fédérale AI4Belgium,
- un plan d’investissement public / privé de 30 millions d’euros en Flandres (mars 2019),
- le programme DigitalWallonia4AI (juillet 2019). Celui-ci fédère désormais les initiatives en matière d'IA en Wallonie, comme le consortium Trail par exemple.
Il existe en effet un sentiment d’urgence, les sept « champions de l’IA » en Europe étant, à l’heure actuelle, des entreprises non-européennes.
IA : un enjeu majeur pour la Wallonie
Digital Wallonia 4 AI
DigitalWallonia4.ai vise à accélérer l’adoption de l’intelligence artificielle (IA) en Wallonie et renforcer son écosystème. La stratégie se décompose en quatre axes structurants constitués eux-mêmes de nombreuses initiatives :
- Axe 1 : Société et IA.
- Axe 2 : Entreprises et IA.
- Axe 3 : Formations et IA.
- Axe 4 : Partenariats, Innovation, Recherche et IA.
DigitalWallonia4.ai est porté par :
DW4AI s'appuie en outre sur le réseau des Hubs Digital Wallonia International mis en place avec l'AWEX pour la veille internationale.
L'écosystème IA en Wallonie
Sur base des données de la plateforme Digital Wallonia (en novembre 2020), l’Intelligence Artificielle se positionne en deuxième place des technologies numériques de pointe en Wallonie, derrière l’Internet des Objets et devant la Réalité Virtuelle/Augmentée ou encore la robotique et l’automation.
L'IA est donc porteuse d'un potentiel important pour l'innovation, pour le développement d'une offre numérique et d'une expertise de pointe, ainsi qu’en termes de transformation numérique des entreprises régionales.
Ainsi, la Wallonie compte actuellement :
- Plus de 150 entreprises du secteur du numérique proposant des produits et services en lien avec l’IA.
- Une cinquantaine d'acteurs de la recherche développant des projets de recherche fondamentale et appliquée dans le domaine, ou accompagnant des entreprises numériques spécialisées en IA.
- Une trentaine de partenaires Digital Wallonia soutenant ou accompagnant les entreprises numériques dans le développement de solutions IA.
IA : une technologie de pointe qui séduit les (jeunes) acteurs du numérique
Les acteurs privés de l'offre IA se répartissent en 70 entreprises et PME, 60 startups et 6 spinoffs. Ensemble, ils représentent 6% des entreprises du secteur du numérique wallon sur la plateforme Digital Wallonia. En revanche, la proportion de startups est très significativement supérieure à celle observée dans les autres types de produits et services.
Au sein de la sous-catégorie "Advanced" des produits et services numériques, 30% des entreprises proposent une offre en IA constituent et, si l'on se concentre sur les startups, cette proportion monte à plus de 40%. Ce résultat n’a rien de surprenant : l’IA étant une technologie encore jeune dans le paysage économique wallon, il est normal de retrouver un grand nombre d’entreprises récemment créées parmi les offreurs de solutions IA.
Un constat encourageant peut également être établi au niveau de la recherche. Qu’il s’agisse de centres de recherche agréés, d’unités de recherche haute écoles ou d’unités de recherche universitaires, une cinquantaine sont actifs dans le domaine de l’IA, soit plus de la moitié des acteurs de recherche répertoriés et plus des 2/3 des acteurs actifs dans la sous-catégorie "Advanced".
Même s’il ne s’agit ici que d’une cartographie quantitative, faisant abstraction des montants investis ou du nombre de personnes effectivement dédiées au domaine de l’IA au sein de chaque centre, on peut avancer que la recherche wallonne dans le domaine est forte et, à tout le moins, présente un potentiel très intéressant. A nouveau, on peut regretter qu’un important décalage subsiste entre la structuration du secteur économique du numérique et le monde de la recherche.
Du point de vue de la répartition géographique, 59,4% des acteurs de l’IA ont leur siège social implantés dans les provinces de Liège et du Brabant Wallon et dans une moindre mesure, dans le Hainaut. La répartition générale est très similaire à celle observée pour le secteur numérique dans son ensemble.
IA et secteurs de spécialisation en Wallonie
Contrairement par exemple à l’écosystème IoT, les acteurs de l’IA ne proposent pas forcément une offre très ciblée sur le plan sectoriel. Si, fort logiquement, seules 9 entreprises affirment viser un marché essentiellement B2C, 60,7% des acteurs ne ciblent aucun secteur en particulier. Sans doute faut-il y voir l’impact de la nature profondément "multi-applications" de l’IA.
Acteurs identifiés s’intéressant à des marchés spécifiques :
- Santé (29 entreprises)
- Aéronautique / Spatial (13 entreprises)
- Industrie (13 entreprises)
- Transport et Logistique (9 entreprises)
- Finance (8 entreprises)
- Automobile (8 entreprises)
- Industries créatives (7 entreprises)
- Distribution (6 entreprises)
Les secteurs visés par les 33 entreprises spécialisées restantes se répartissent de manière équilibrée entre l’agriculture, la défense, les pouvoirs publics, l’énergie, etc.
Dans l’ensemble, même si l’offre privée en IA reste encore assez limitée en Wallonie, on peut affirmer qu’un réel potentiel existe en matière de mise à disposition de solutions technologiques avancées à destination des entreprises (tant en Wallonie qu’à l’international).
Une offre IA riche et diversifiée
L’offre IA en Wallonie se décline en premier sous forme d’offres de services numériques et de développement de logiciels (364 offres différentes de ce type sur l’effectif). Cependant, lorsqu’une entreprise offre de multiples produits et services, l’IA est fortement corrélée avec d’autres technologies avancées utilisées ou développées par les entreprises numériques en Wallonie. Cela démontre une volonté de développer des solutions qui sont :
- complémentaires avec d'autres technologies avancées (IA, blockchain, robotique, ...),
- intégrées dans des produits, services, plateformes, processus ou réseaux à la pointe de la technologie.
Ainsi, 25,6% des entreprises wallonnes actives dans l’IA proposent une offre en IoT, 11,5% en robotique, 10,5% en AR/VR et 7,3% en jumeaux numériques et simulation. Bien évidemment, de très nombreuses entreprises offrent également des services de Data Analytics ou de Machine Learning, en raison de l’étroite imbrication de ces technologies avec l’IA.
Le détail de ces offres « Advanced » associées à l’IA se décline comme suit :
- IoT (49 offres)
- Robotique (22 offres)
- AR/VR (20 offres)
- Jumeaux / simulations numériques (14 offres)
- Blockchain (9 offres)
- HPC (7 offres)
- Drones (5 offres)
- Impression 3D (4 offres)
- Nanotechnologies (1 offre)
- Data Analytics, ML, Cloud (75 offres)
IA : ouverture internationale
Bien que 50 entreprises IA soient membres du réseau AWEX, l'IA wallon est un écosystème qui n’est pas (encore ?) très orienté vers l'international. 24 acteurs (12,6%) actifs dans l’IA ont participé à des missions internationales et seulement 3 acteurs ont participé à plus de 10 missions.
On peut bien sûr attribuer en partie ce constat à la jeunesse du secteur. Cependant, il semble indispensable pour une entreprise active en IA de se positionner rapidement sur les marchés internationaux afin de garantir leur croissance et de pérenniser leur démarche d’innovation, en raison de l’étroitesse actuelle du marché régional et même national. Les missions internationales leur permettraient en effet de :
- Recueillir à l’étranger les expertises nécessaires au développement de leurs activités ;
- Prospecter, élargir leur réseau et cibler de nouveaux marchés ;
- Développer des partenariats internationaux avec des acteurs économiques et de la recherche.
IA et autres écosystèmes
Les entreprises wallonnes offrant des solutions IA participent à de nombreux écosystèmes numériques spécialisés ou émergents cartographiés sur Digital Wallonia.
Par exemple, 46 entreprises proposent des solutions IA pour l’écosystème de l’industrie 4.0. Cette offre technologique de pointe représente plus du quart de l’ensemble des entreprises numériques proposant des produits et services visant à transformer l’industrie wallonne. Les autres écosystèmes sont le Big & Smart Data, l’e-santé et les Smart Cities.
De manière détaillée :
- Industrie 4.0 : 46 entreprises
- Big & Smart Data : 44 entreprises
- e-Santé : 35 entreprises
- Smart Cities : 30 entreprises
- Cybersécurité : 16 entreprises
- AdTech : 13 entreprises
- Energy : 12 entreprises
- EdTech : 10 entreprises
- Smart Farming : 9 entreprises
- Coding : 9 entreprises
- MedTech : 7 entreprises
- Smart Grid : 7 entreprises
- Smart Logistics : 7 entreprises
- Autres écosystèmes : 44 entreprises
IA : une dynamique régionale en marche
L’intelligence artificielle est sans conteste la technologie numérique phare qui présidera au développement économique des économies de demain. Les débouchés et domaines d’application semblent en effet quasi illimités. La Wallonie dispose d’atouts importants en la matière, en particulier au niveau de la recherche. Elle se concentre surtout dans les universités (près de 600 chercheurs y sont, totalement ou partiellement, impliqués) et couvre des domaines variés tels que la reconnaissance vocale, de l’image, l’aide à la prise de décision, l’analyse des marchés, etc.
Un nombre croissant de startups et d’entreprises plus matures proposent ou développent des solutions IA dont le potentiel économique semble évident, en particulier dans des domaines d’application comme l’Industrie 4.0, l’e-santé, les Smart Cities, ...
Pour autant, à l’exception de quelques leaders bien connus, la traduction des capacités de recherche et des Proofs of concept tarde à se concrétiser en termes de succès commerciaux et d’internationalisation. Il convient plus que jamais d’insister sur la nécessaire coopération entre centres de recherche et entreprises (surtout les startups) afin de valoriser rapidement les compétences wallonnes en la matière, tout comme il faut encourager nos offreurs IA à se lancer sur les marchés internationaux, au besoin via des actions ciblées.
L’offre de formation doit également se développer, tant au niveau universitaire que professionnel. Des initiatives ont récemment été prises dans ce sens au niveau des universités, des centres de compétences et du Forem et doivent être renforcées.
Parallèlement, il importe d’accompagner les entreprises hors secteur numérique sur la voie de l’adoption de l’IA avec des programmes à leur taille et correspondant à leurs métiers de base. L’IA reste méconnue, voire rejetée par les demandeurs potentiels pour tout un ensemble de raisons, comme l’a montré une étude de Forrester (2016-2017) consacrée aux freins à l’adoption par les entreprises :
- Il n’y a pas de business cases bien défini : 42%
- Je ne comprends pas l’utilité de l’IA : 39%
- Je n’ai pas les compétences requises : 33%
- Je dois d’abord investir dans la modernisation de la plateforme de gestions des données : 29%
- Je n’ai pas le budget : 23%
- Je ne sais pas comment mettre en œuvre l’IA : 19%
- Les systèmes d’AI ne sont pas sûrs : 14%
- Je ne possède pas les autorisations nécessaires : 13%
- On en parle beaucoup mais elle est peu efficiente : 11%
Dans cette optique de soutien au développement de solutions innovantes et de support à l’adoption, le Programme DigitalWallonia4AI peut et doit devenir un instrument majeur de la stratégie de développement économique de la Région, en partenariat avec des initiatives telles que le Trail Institute et le Réseau IA.
Méthodologie de l'étude
L’analyse a été réalisée sur l’ensemble des données de la plateforme Digital Wallonia relatives aux acteurs wallons de l’offre, de la demande et d’accompagnement associés à la technologie de l’intelligence artificielle. Ces données garantissent une bonne représentativité à l’échelle wallonne. L’état des lieux a été réalisé en novembre 2020.
Par définition, ces résultats ne sont pas statiques. Ils évoluent en fonction du développement des activités des entreprises, de l’évolution des tendances conjoncturelles et des mises à jour réalisées par l’Agence du Numérique et ses partenaires.