Les Entreprises de Travail Adapté (ETA) en Wallonie évoluent dans des contextes et secteurs variés, mais toutes font face aux mêmes défis : modernisation, adaptation aux exigences du marché et intégration du numérique sans perdre leur mission sociale. Dans le cadre des programmes Industrie du Future et Digital EES, l'Agence est allée à la rencontre de ces acteurs qui se lancent dans la digitalisation.
Les Dauphins. Une présence digitale essentielle
À Gembloux, Les Dauphins se concentrent sur des activités locales comme le nettoyage industriel, la menuiserie, la paletterie, le conditionnement et la mise à disposition de travailleurs pour renforcer les équipes de leurs clients. " Nos activités nécessitent une présence digitale et des outils adaptés pour assurer la traçabilité des commandes et la gestion des flux. Nos clients, eux-mêmes équipés d’ERP et d’autres solutions numériques, attendent de nous une intégration fluide dans leurs systèmes " explique Harold Goderniaux, Directeur Général.
Le Rucher. Spécialisation et modernisation
Le Rucher se distingue par une spécialisation croissante dans les secteurs paramédicaux et agroalimentaires. Grâce à ses installations modernes comprenant des salles blanches et propres, l’ETA peut répondre aux normes strictes d’hygiène et de traçabilité de ces industries. " Nous faisons de la production à façon et nos clients ont des exigences croissantes en matière de qualité et de digitalisation. Pour répondre à ces attentes, nous devons moderniser nos processus et intégrer des solutions numériques performantes " souligne Bruno Nortier, Directeur des Services Supports.
L’Atelier. Un savoir-faire reconnu
L’Atelier, qui existe depuis plus de 60 ans, s’illustre dans cinq grands secteurs, allant de l’électro-mécanique au conditionnement alimentaire en passant par la mise à disposition de personnel qualifié auprès d’entreprises partenaires. " Nous avons un savoir-faire reconnu dans l’assemblage industriel et l’agroalimentaire. Nos clients nous sollicitent régulièrement pour externaliser certains de leurs processus secondaires, répondre à des pics de production ou compenser des absences au sein de leurs équipes " explique Thibaut Sevens, responsable des départements logistique, achat et commercial.
La digitalisation. Une nécessité incontournable
Pour les ETA, la digitalisation n’est pas un luxe mais un impératif pour rester compétitives et répondre aux besoins du marché. Toutefois, Harold Goderniaux met en garde contre une automatisation qui irait à l’encontre de la mission sociale des ETA : " La question est toujours de savoir si un outil numérique va uniquement supprimer un poste ou s’il va permettre d’en créer d’autres. Si un changement permet de mettre en place deux nouveaux postes, alors il est bénéfique. Mais si l’objectif est simplement de remplacer un travailleur par une machine, nous ne le ferons pas. "
Facilitation du travail et communication
Thibaut Sevens (L’Atelier) insiste sur le fait que la digitalisation doit avant tout être un outil de facilitation du travail et de communication : " Nous voyons la digitalisation comme un moyen d’apporter de l’aide et de la clarté au personnel. Un autre enjeu est le partage d’informations avec nos clients. Aujourd’hui, ils exigent une vision en temps réel sur nos stocks, nos réalisations en production et nos prévisions. Cette interconnexion entre leurs ERP et nos propres outils numériques est devenue essentielle pour fluidifier les échanges et améliorer la réactivité.
Inclusion par la technologie
Les nouvelles technologies peuvent également être des leviers d’inclusion. Bruno Nortier (Le Rucher) ajoute : " L’intelligence artificielle et les technologies de voice-to-text sont particulièrement utiles pour nos employés malentendants ou malvoyants. Elles leur permettent de mieux s’intégrer dans l’entreprise et d’interagir plus facilement avec leurs collègues et leur environnement de travail.
Le Rucher. Vers une "Factory of the Future"
Si la digitalisation est un enjeu pour toutes les ETA, Le Rucher va encore plus loin en visant le tout premier label Factory of the Future pour une ETA. Pour structurer cette transition, l’ETA a fait appel au programme Industrie du Futur de Digital Wallonia afin de bénéficier d’un accompagnement stratégique. " L’éventail des solutions numériques est immense et évolue très vite. Grâce à ce programme, nous avons sollicité un expert pour réaliser un audit complet de notre fonctionnement. L’objectif est d’identifier les priorités et d’élaborer une feuille de route pour notre transformation digitale. " explique ainsi Bruno Nortier.
Une transformation globale
Cette démarche va bien au-delà de la simple modernisation des outils : elle vise à inscrire Le Rucher dans une logique de production avancée, combinant automatisation et digitalisation sans perdre de vue sa mission première : " Notre but n’est pas de remplacer des postes, mais bien d’améliorer le bien-être au travail, d’optimiser la gestion des tâches répétitives et de nous aligner sur les exigences croissantes de nos clients. L’adoption de solutions numériques doit nous permettre de répondre à ces objectifs tout en restant fidèles à notre engagement social. "
L’Atelier. Un plan de progrès ambitieux
Dans le même esprit, L’Atelier a intégré un volet digitalisation à son plan de progrès 2035, visant à structurer les axes de transformation de l’entreprise. " Nous avons un partenaire externe qui nous accompagne deux fois par semaine afin de nous aider à prioriser nos actions. Nous avons défini des “quick wins”, des solutions rapides à mettre en place, tout en planifiant des transformations plus profondes à long terme. " précise Thibaut Sevens.
Former les travailleurs. Un enjeu clé
Enfin, la transition numérique ne peut réussir sans un accompagnement et une montée en compétences des travailleurs. Pour Harold Goderniaux, la formation est un passage obligé : " La formation au numérique est indispensable. Chaque fois que nous mettons en place un nouvel outil, nous commençons par un processus de formation approfondi. Sans cela, on risque de perdre plus de temps à essayer de comprendre l’outil qu’à l’utiliser efficacement. "
L’adhésion des équipes
Thibaut Sevens partage cette vision et insiste sur la nécessité d’obtenir l’adhésion des travailleurs avant toute transformation : " On ne peut pas imposer une solution numérique de manière arbitraire. Il faut d’abord faire comprendre en quoi elle est utile, puis accompagner progressivement les équipes. L’adhésion est essentielle pour garantir l’efficacité d’un outil. "
Un futur à construire
Les ETA sont à un tournant de leur évolution. Si la digitalisation offre de nombreuses opportunités en termes d’efficacité et d’inclusion, elle ne doit pas remettre en question la mission première de ces entreprises : offrir un emploi adapté aux personnes en situation de handicap. L’exemple du Rucher, qui ambitionne de devenir une Factory of the Future, et de L’Atelier, qui s’appuie sur une approche méthodique de la transition numérique, montrent que ces entreprises peuvent tirer parti des nouvelles technologies tout en restant fidèles à leurs valeurs.
Harold Goderniaux, Bruno Nortier et Thibaut Sevens s’accordent sur une nécessité : faire du numérique un outil au service des travailleurs, et non une contrainte.
En adoptant une approche équilibrée et en mettant l’humain au cœur des décisions, les ETA peuvent relever le défi du numérique tout en poursuivant leur mission sociale.