Dans la cadre de la stratégie Digital Wallonia, l’Agence du Numérique a mesuré le niveau moyen de transformation numérique des entreprises wallonnes. Le modèle de maturité numérique utilisé repose sur des indicateurs tels que la digitalisation de l’infrastructure, de l’organisation du travail, des processus métiers et de la stratégie d’entreprise. Si plusieurs indicateurs sont en progrès, nos entreprises peinent encore à tirer parti des opportunités de l’économie numérique.
Infrastructures numériques
La plupart des indicateurs de maturité numérique de l'infrastructure des entreprises wallonnes sont en progression, avec une hausse très significative du côté des usages liés à l’Internet mobile :
- 77% des entreprises wallonnes (+12) disposent d'au moins un smartphone;
- 41% (+5) dont dotées d'au moins une tablette;
- 45% (+12) des entreprises dotées d’un site web ont adapté ce dernier aux terminaux mobiles.
Par ailleurs, 15% (+1) des entreprises wallonnes disposent d’un spécialiste du numérique en interne. On ne peut évaluer la présence d'un spécialiste du numérique au sein des entreprises qu’en regard de la sous-traitance, compte tenu du nombre important de petites structures en Wallonie.
Ainsi, 33% des entreprises qui n’emploient pas de spécialiste du numérique recourent à la sous-traitance pour la maintenance de leur réseau, la mise à jour de leurs logiciels ou encore pour les questions de sécurité informatique. 31% supplémentaires font appel, lorsqu'elles rencontrent un problème informatique, à un ou des collaborateur(s) non spécialiste(s), mais disposant d'une bonne maîtrise des outils numériques.
En ce qui concerne l’infrastructure numérique "de base", les entreprises wallonnes travaillent désormais couramment avec des ordinateurs et une connexion Internet à haut débit. De plus, 41% (+1) d'entre elles possèdent un site web. Malheureusement, ces sites sont trop souvent statiques. Ainsi 58% ont pour seule vocation d’informer les clients et les prospects. Plus inquiétant, 25% des sites sont mis à jour une fois par mois, tandis que 35% le sont seulement une fois par an.
Enfin, pour la première fois, l’AdN a mesuré la présence et l’usage de technologies de pointe ou émergentes (IoT, Imprimantes 3D, drones, robots de production, robots de service, ...) au sein des entreprises wallonnes. Si ces technologies font bel et bien leur apparition dans le paysage économique wallon, leur présence reste anecdotique et principalement localisée dans l’industrie.
Ce retard d’adoption des technologies émergentes s’explique sans doute par le fait que, pour ce type d'investissement, les entreprises doivent à la fois comprendre l’apport de la technologie par rapport à leur métier de base et bénéficier d’une conjoncture économique favorable à l’investissement en capital technologique.
Nouveaux modes d’organisation du travail et collaboration
Le numérique transforme l’organisation du travail (mobilité, télétravail, ...) et les modes de communication interne de l’entreprise (connexion ubiquitaire, partage d’informations via le Cloud, outils collaboratifs, réseaux sociaux internes, ...).
Ces changements impactent fortement la gestion des ressources humaines. On constate ainsi une progression du télétravail (45%, soit une augmentation de 8 points) et l’utilisation des centres de coworking (5%) par les entreprises wallonnes. Ces nouveaux modes de travail posent toutefois différents défis au management, notamment en ce qui concerne le sentiment d'appartenance des travailleurs à l'entreprise, alors qu'ils bénéficient d’une autonomie accrue grâce aux outils numériques.
Par ailleurs, les échanges via réseaux sociaux internes et messageries instantanées deviennent complémentaires à la communication au travers d’outils traditionnels comme l'e-mail, ce qui permet aux travailleurs de s’informer, s’exprimer et interagir plus facilement.
Si cet "empowerment numérique" des travailleurs est une réalité au sein des entreprises wallonnes, il reste toutefois du chemin à parcourir en matière d’usages de technologies collaboratives.
Ainsi, seulement 27% de nos entreprises utilisent une messagerie instantanée de type Skype, tandis que 18% utilisent de la visioconférence pour faire des réunions à distance. Au niveau de la formation, un cinquième des entreprises (20%) recourent parfois à l’e-learning.
Enfin, les tâches professionnelles effectuées en situation de mobilité sont uniquement présentes dans 50% des entreprises wallonnes. Celles-ci concernent majoritairement l’envoi d’e-mails et la consultation de sites web. L’accès mobile aux bases de données et applications de l’entreprise ne représente que 15% de ces tâches.
Digitalisation des flux d’information et automatisation des processus métiers
L’analyse de la digitalisation des flux d’information et des processus métiers au sein des entreprises wallonnes met en évidence plusieurs sujets de préoccupation :
- l'automatisation des processus relatifs à la facturation.
- la digitalisation du traitement des commandes, qu’elles soient issues des ventes ou des achats électroniques. Dans environ 64% des cas, les commandes doivent être encodées manuellement dans la comptabilité, les stocks, etc.
- le recours aux déclarations obligatoires en ligne (51% des entreprises les utilisent).
- l'interconnexion informatisée entre entreprises qui atteint 15% (+3), ce qui reste insuffisant pour parler d’économie en réseau.
La centralisation de l’information et son partage en temps réel sont deux piliers de la réactivité de l’entreprise par rapport à son environnement. La digitalisation des processus métiers permet d’éviter le fonctionnement en silos des divers services et départements qui est source de doublons et d’inefficacité.
Cela pousse les entreprises à investir dans des logiciels (ERP, CRM, SCM, ...) qui permettent d’automatiser les processus métiers et de centraliser l’information que génèrent les parties prenantes de l’activité commerciale. Ces logiciels restent cependant coûteux et sont véritablement utiles pour les entreprises employant au minimum 20 personnes. Or, l’économie wallonne se compose à 95% d’entreprises employant moins de 5 travailleurs. C’est la raison pour laquelle le taux de présence des progiciels métiers ne dépasse pas une dizaine de pourcents en moyenne.
Enfin, le dernier facteur expliquant le retard de nos entreprises en matière de digitalisation des processus métiers tient à la nature même du tissu économique wallon. En effet, les secteurs à forte composante numérique sont les moins importants en termes de nombre d'entreprises. Les principaux secteurs d'activité en Wallonie sont le commerce de détail (17% des entreprises), les services aux entreprises (17%), la construction (12%), la santé (10%), l’agriculture (9%) ou encore l'Horeca (6%).
Transformation numérique de la stratégie d’entreprise
L'une des caractéristiques de la digitalisation de l’économie c’est l'interpénétration des marchés et l'élargissement des offres, ce qui se traduit par l’émergence de plateformes globales d’e-commerce et l’uberisation d’activités jusque-là protégées. Nos entreprises ont souvent adopté les canaux numériques, mais les utilisent pas assez pour proposer de nouveaux services à valeur ajoutée à leurs clients ou encore pour réinventer et élargir leur métier.
Ainsi, en ce qui concerne le marketing digital, seules 16% des entreprises interrogées déclarent y recourir. Ce constat est interpellant car contradictoire avec le fait que 41% possèdent un site web (chiffre qui monte à 80% pour les entreprises occupant 10 personnes et plus) et que 47% (+7) sont présentes sur les réseaux sociaux. Nos entreprises sont donc de facto plus actives en termes de "digital marketing" qu'elles ne le pensent, mais il leur manque souvent une stratégie commerciale globale pour en tirer pleinement profit.
Seuls 13% des sites web permettent de commander des produits et services en ligne. D'autres part, 67% des entreprises dotées d’un site ne font aucune analyse de la visibilité ni des performances de ce dernier.
Enfin, 11% des entreprises wallonnes font de l’e-commerce, auxquelles s’ajoutent 2% d’entreprises présentes sur des plateformes commerciales . Sur base de ces chiffres, on peut déduire que les entreprises régionales ne profitent pas ou fort peu des 10 milliards de chiffre d’affaires que génère actuellement l’e-commerce en Belgique (source : BeCommerce 2017).
Conclusions et recommandations
Tous ces constats montrent à quel point les mesures de sensibilisation aux enjeux du numérique restent plus que jamais d'actualité pour aider les entreprises locales à se digitaliser.
De plus, le besoin en formation continue, tant pour les travailleurs que pour les dirigeants d’entreprise, est de plus en plus impérieux. En raison de la vitesse d’émergence des technologies sur le marché et de leur impact sur tous les métiers, il est urgent d’élargir et d’approfondir les compétences numériques de la main d’oeuvre.
A ce niveau, il faut reconnaître que les entreprises wallonnes ne sont pas très dynamiques puisqu'à peine 10% d’entre elles avaient formé au moins un de leurs collaborateurs à une matière numérique en 2017.
Pour aider les entreprises à former leurs collaborateurs en continu aux usages du numérique, l’AdN encourage les acteurs d’animation économique et les fédérations sectorielles à unir leurs efforts pour :
- Identifier les besoins des entreprises en matière de technologies et de formation en tenant compte des spécificités sectorielles.
- Adapter la formation professionnelle pour la rendre plus accessible et plus agile (allègement du dispositif chèques-formation, modules courts et plus nombreux dispensés éventuellement en soirée même pour un nombre réduit de participants, création de centres de formation sectoriels, etc.).
- Accompagner les entreprises dans leur développement en insistant sur l’omniprésence du numérique dans toutes les activités économiques.
- Aider les entreprises à identifier et à bénéficier des aides de la Wallonie, notamment en matière de transformation numérique.
Ces objectifs doivent être intégrés de manière forte dans la stratégie Digital Wallonia 2019-2024.