Alors que l’intelligence artificielle s’impose comme un levier de transformation majeur, l’Union européenne voit grand et décide de mettre cet outil au cœur de toutes ses stratégies pour en faire un moteur de souveraineté technologique, de compétitivité économique et de cohésion territoriale. Avec « Apply AI », attendue pour le troisième trimestre 2025, l’Europe passe à l’étape suivante : celle de l’appropriation concrète de l’IA par ses entreprises, ses administrations et ses écosystèmes.
Apply AI, une stratégie d’activation
L’ambition d’Apply AI est claire : accélérer l’adoption de l’IA dans des secteurs stratégiques comme la santé, l’agro-alimentaire ou l’industrie manufacturière de pointe, tout en accompagnant les entreprises et les administrations dans le développement et le déploiement de solutions d’IA prometteuses . Qu'on se le dise, il ne s'agit pas d'un nouveau concept en soi, mais d'une logique d’activation : pas de nouveau cadre, mais une articulation des dispositifs existants pour les rendre plus lisibles, accessibles et efficaces. Ou en tout cas, c'est ce qu'on espère!
Cette articulation repose sur trois piliers :
- Les compétences, avec l’AI Skills Academy, les EDIH (European Digital Innovation Hubs) et les partenariats internationaux pour attirer les talents.
- Les infrastructures, via les AI Factories, les Giga Factories et les Data Spaces, qui mutualisent données, puissance de calcul et capacités de test.
- Le cadre réglementaire, avec l’AI Act, les bacs à sable réglementaires ( dont les Testing and Experimentation Facilities pourraient être les orchestrateurs) et un futur AI Helpdesk pour accompagner les acteurs dans leurs obligations.
Une articulation de concepts au service des territoires
Ce qui frappe dans cette stratégie, c’est sa capacité à articuler des concepts souvent perçus comme abstraits : data spaces, supercalculateurs, antennes d’IA, EDIC, etc. L’Europe ne se contente pas de financer des infrastructures ; elle structure des écosystèmes. Les AI Factories, par exemple, ne sont pas de simples centres de calcul : elles sont conçues comme des hubs d’innovation, connectés aux territoires via des antennes locales, et dotées de Data Labs pour agréger et qualifier les données à travers les différents secteurs et écosystèmes. Les Giga Factories, quant à elles, visent à entraîner des modèles de fondation (LLM) à l’échelle européenne, avec un budget de 20 milliards d’euros mobilisés par Invest AI. Elles incarnent l’ambition de l’Europe de ne pas rester spectatrice de la course mondiale à l’IA générative.
Et la Wallonie, dans tout ça?
Pour les entreprises et les écosystèmes wallons, cette stratégie est une opportunité à saisir. D’abord parce qu’elle offre un cadre structurant pour accéder à des ressources mutualisées (données, calcul, expertise), souvent inaccessibles à l’échelle individuelle. Ensuite parce qu’elle valorise les initiatives locales : les EDIH, les antennes d’AI Factories, les démonstrateurs sectoriels sont autant de portes d’entrée vers l’Europe de l’IA.
Mais cela suppose aussi une mobilisation collective : identifier les cas d’usage stratégiques pour le territoire, structurer des consortiums solides, et anticiper les exigences réglementaires. À ce titre, le NCP Wallonie joue un rôle clé : il accompagne les entreprises wallonnes dans la compréhension des appels européens, la constitution de partenariats, et le montage de projets. Son expertise est précieuse pour maximiser les chances de succès dans des dispositifs comme Apply AI.
Une Europe qui se cherche… et se trouve
Enfin, cette stratégie s’inscrit dans une dynamique plus large de gouvernance internationale de l’IA, comme en témoignent les travaux du GPAI (Global Partnership on AI) auxquels la Wallonie contribue . L’Europe y défend une vision éthique, inclusive et durable de l’IA, tout en cherchant à renforcer sa capacité d’action. Le lien avec l’OCDE, les débats sur la valeur ajoutée du GPAI, ou encore les réflexions sur la gouvernance mondiale de l’IA montrent que l’Europe avance, non sans tensions, mais avec une boussole claire.
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À propos de l'auteur.
Elodie Delvaux
Agence du Numérique