A quatre mois d’intervalle, la Commission européenne a publié trois stratégies sur l’écologie (le Green Deal), le numérique et l’industrie. Elles sont liées et ont pour objectifs la neutralité climatique et le leadership numérique de l’Europe. Décryptage et vision par l’AdN dans le cadre de Digital Wallonia. Partie 4: La Wallonie face aux défis du Green Deal. Des actions pour répondre aux défis.
L'actualité sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux de la pandémie mondiale du COVID19 ouvre la voie pour redessiner le monde de demain. L'Union Européenne (UE) avait déjà commencé ce travail avec la publication de 3 stratégies et feuilles de route liant écologie, industrie et numérique.
En effet, dans ses orientations politiques, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré que l’Europe devait conduire la transition vers une planète saine et un nouveau monde numérique. Dans ce schéma, la transformation écologique et la transformation numérique constituent deux défis indissociables.
L'Agence du Numérique propose un dossier en 4 parties pour décrypter les propositions de l'Europe :
- Green Deal européen et numérique (4/4). Solutions numériques wallonnes
Ce décryptage s'inscrit dans la perspective de la mise en oeuvre de la stratégie numérique Digital Wallonia dont les points de convergence avec les priorités européennes sont nombreux. Cette publication fait l'objet d'une collaboration avec :
Le numérique comme solution face aux défis du Green Deal
La Commission Européenne insiste sur l'importance du numérique dans l'apport de solutions face aux défis du Green Deal. Du côté la Wallonie, l'Agence du Numérique et ses partenaires, fédérations, pôles, clusters, n'ont pas attendu cette stratégie pour établir ce constat et initier des projets dans le domaine.
Dès 2019 que l'Agence du Numérique a intégré dans la stratégie Digital Wallonia l'enjeu "Société Digitale" lequel fait référence "...aux défis majeurs du numérique quant à notre rapport à l'environnement ...". Cela se traduit par les initiatives suivantes :
- L'organisation en août 2019 d'une université d'été des Digital Wallonia Champions pour réfléchir au modèle de société digitale pour la Wallonie et, notamment, comment réconcilier le numérique avec le développement durable.
- Les travaux de cette université ont permis la rédaction d'un mémorandum remis au Ministre de l'Economie et du Numérique fin 2019, avec 9 propositions sur les thématiques de:l'éco-conception numérique;le numérique au service d'une économie circulaire;la donnée au service d'une économie durable.
- Des actions de sensibilisation au travers de 4 podcasts sur des sujets inspirants :Le numérique au service de l'écologie, avec Eric Vidalenc.Le numérique au service d'une économie durable, avec Jacques Crahay.Le numérique et gouvernance collaborative, avec Laurent Ledoux.Penser dans un monde digital, avec Luc de Brabandere.
- des cartographies d'acteurs du numérique offrant des solutions au service du Green Deal.
- Le soutien au lancement de l'Institut Belge du Numérique Responsable.
De nouveaux projets verront prochainement le jour notamment dans le cadre de #RESET, démarche collective pour transformer le numérique, d'une étude sur les impacts du numérique sur l'environnement, des collaborations avec le SPWEER sur la stratégie Circular Wallonia, le Green Deal Achat Circulaire et le Circular ICT Pact.
Recueil de visions et d'actions chez les partenaires
En Wallonie, la dynamique est bien présente. Plusieurs partenaires de Digital Wallonia ont aussi une vision par rapport à ces défis et n'ont pas attendu le Green Deal pour démarrer leurs actions. Voici un état des lieux non exhaustif par rapport aux 8 leviers du Green Deal au travers de 3 questions :
- Comment la transition numérique peut aider à atteindre les objectifs du Green Deal à l’échelle de la Wallonie ?
- Avez-vous un exemple wallon pour illustrer votre vision ?
- Quel est le travers dans lequel il ne faudrait pas tomber pour éviter un effet rebond ?
GreenWin, Logistics In Wallonia, l'UWE, la CCW, Agoria, Tweed, Skywin et WalDigiFarm se sont prêtés au jeu des questions.
Pilier 1. Renforcer l’ambition climatique de l’UE pour 2030 et 2050
Selon le Green Deal les politiques actuelles ne permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de 60 % d’ici 2050. Il faut donc agir pour parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050. C'est l'objectif principal de ce pilier.
Le numérique est une source de solutions. Mais concrètement, comment cette transition numérique peut aider à atteindre les objectifs du Green Deal à l’échelle de la Wallonie et plus particulièrement à l’objectif de neutralité climatique de 2050 ?
Pour l'Union wallonne des entreprises si le numérique mobilise un pourcentage toujours plus important de la production totale d'électricité dans le monde, la transition numérique appliquée à certains secteurs comme l’agriculture (smart farming), les réseaux électriques (smart grids), les infrastructures d’une ville (smart city) ou l’industrie (transformation ecofactory de l’industrie 4.0) a cependant démontré qu’elle pouvait contribuer positivement à la lutte contre le changement climatique. Elle permet, par exemple, d’intégrer plus facilement des sources d’énergies renouvelables, d’optimiser la consommation énergétique ou encore de prendre des décisions opérationnelles plus efficaces basées sur des données plus complètes et de les communiquer en temps réel.
La Wallonie est en marche : plusieurs entreprises se sont déjà engagées dans des démarches d’éco-production, liée au non à l’industrie 4.0 ou autres. On peut citer par exemple:
- Les entreprises Schréder, Timbtrack, EMAC (Ambassadeur Made Different), la Brasserie Lefevre, L’Oréal ou les Tôleries Delhez qui se sont distinguées en la matière et qui ont également accepté de partager leur expérience afin de pouvoir inspirer d’autres entreprises wallonnes, cette démarche est très importante afin de pouvoir créer une dynamique globale et porteuse de changement.
- Des entreprises comme aSmartWorld (reconditionnement de smartphones et tablettes) qui ont développé une activité économique autour de la transition numérique.
- Des initiatives en faveur d’un numérique plus responsable menées au sein d’entreprises comme Proximus ou Orange.
Le numérique est un formidable accélérateur de progrès, mais qui nécessite d'agir à différents niveaux:
- L'innovation. En matière de durabilité et de numérique, l'innovation doit se mettre au service des progrès dans les domaines du bâti, de la mobilité, de la production, du stockage et la distribution de l’énergie, par exemple. Consulter à ce sujet les propositions du Plan de redéploiement de l'UWE.
- La recherche. Au travers du NCP Wallonie, l'UWE encourage également un maximum d’entreprises wallonnes à s’engager dans des projets de recherche et innovation européens en matière de transition numérique.
- La sensibilisation. On sait que ce sont principalement nos usages quotidiens du numérique ( visionnage de vidéos en ligne) qui peuvent avoir un impact cumulé important sur l’augmentation constante de la consommation de données que l’on observe au niveau mondial.
L'UWE est convaincue qu’il faut sensibiliser aux nouveaux usages. En 2020, elle s’est donc engagée en devenant "SDG Voice".
L’UWE joue également un rôle d’information et de sensibilisation des entreprises au travers d’actions concrètes telles que des ateliers et webinaires ainsi que via sa Cellule Environnement qui conseille, informe et incite les entreprises à percevoir l’environnement comme une opportunité et non pas comme une contrainte. Les entreprises peuvent aussi trouver une fiche disponible en ligne sur les principes – essentiels - de la responsabilité numérique.
Pilier 2. Fournir de l'énergie propre, abordable et sûre
Le Green Deal renseigne que la production et la consommation d’énergie de l’ensemble des secteurs économiques représentent plus de 75 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. L'Europe a pour objectif de mettre en place un secteur de l’énergie reposant largement sur les sources renouvelables, tout en abandonnant rapidement le charbon et en décarbonant le gaz.
Pour le [profiles type="single" slug="cluster-tweed" display="link"]Cluster Tweed[/profiles], c'est une certitude aussi. Afin de rencontrer de manière sûre les objectifs climatiques ambitieux à l’horizon 2030 (et 2050 !), il est nécessaire d’augmenter la part d’énergie renouvelable.
Et le numérique là-dedans, en quoi contribue-t-il à l'augmentation de la part d'énergie renouvelable ?
L’intermittence de ces modes de production propres impose une meilleure efficacité dans la gestion de la distribution de l’énergie (électrique ou thermique), qui doit être consommée lorsqu’elle est disponible.
Les réseaux de demain devront s’y adapter, non seulement en se focalisant davantage sur le consommateur en lui donnant plus de liberté et de responsabilité (il devient « acteur » et régule lui-même sa consommation), mais également par la gestion des (méta)données liées à ces échanges de plus en plus locaux.
Ces nouveaux mécanismes d’échanges ont besoin de solutions digitales fiables pour les arbitrer, ce qui ne sera possible que par le déploiement de compteurs communicants.
La Wallonie avance sur le sujet puisque le Gouvernement wallon travaille actuellement sur le décret « Communauté d’Énergie » (validé en première lecture en ce début janvier 2021) permettant de définir les nouveaux mécanismes d’échanges d’énergie renouvelable. L’objectif est de permettre aux producteurs et consommateurs de s’associer afin de partager l’énergie produite localement, à un tarif avantageux. Le potentiel sous-jacents à ces nouveaux échanges renouvelables est énorme, et permettra d’activer de nouvelles capacités de production jusqu’alors insensées. Il sera alors nécessaire d’avoir un compteur communiquant pour participer à ces nouveaux échanges entre citoyens, entreprises et bâtiments tertiaires.
En parallèle, la Wallonie a établi un plan de déploiement des compteurs communicants, présentés sur la plateforme "Ma conso sous la loupe", et des primes seront bientôt disponibles pour l’installation de ces compteurs (lorsque ce n’est pas gratuit). Certains acteurs n’ont pas attendu que ce soit effectif pour lancer des phases de test, comme sur la commune de Marche-en-Famenne, où 1000 compteurs vont être déployés par ORES, avec un subside des pouvoir locaux.
L'avis du Cluster Tweed pour éviter de potentiels effets rebonds dans ce plan de déploiement de compteurs communicants et de s'assurer que ces nouveaux marchés ne privilégient pas seulement une partie de la population, comme ceux qui ont la capacité d’installer de nouveaux panneaux photovoltaïques par exemple, ou que les « manques à gagner » de certaines organisations publiques (gestionnaires de réseaux) ne soient épongées que par ceux qui n’ont pas accès à ces échanges.
Pilier 3. Mobiliser l’industrie pour une économie propre et circulaire
L’industrie européenne représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. La Commission Européenne demande l’engagement plein et entier des acteurs de l’industrie dans une économie circulaire et neutre pour le climat.
Dans ce domaine, les technologies digitales ont clairement un rôle à jouer dans l’avènement et le renforcement de l’économie circulaire. Un livre blanc sur l’économie circulaire, publié en septembre 2020, est par ailleurs mis à disposition des acteurs économiques et industriels afin de leur offrir un cadre théorique et méthodologique.
En effet, selon une étude de Digital Europe, les technologies numériques peuvent contribuer à réduire les émissions de CO² dans d’autres secteurs jusqu’à 10 % d’ici 2025 et jusqu’à 20 % d’ici 2030.
Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger, par exemple, sur le potentiel de l’Internet of Things (IoT). La connexion d’un nombre sans cesse plus important d’appareils à internet crée un flux incroyable de données précieuses pouvant en effet booster l’économie circulaire. Il suffit de penser aux informations concernant l’endroit et l’état dans lequel se trouve un appareil, la façon dont il a été fabriqué, les matériaux qu’il contient, etc. L’IoT permet ainsi aux producteurs de mettre en place des systèmes de traçabilité. Pensez aux capteurs qui permettent de détecter où se trouvent les matériaux ou à l’analyse de données qui permet d’optimiser les trajets lors de la collecte. Les grandes quantités d’informations recueillies, donnant des indications sur la performance des produits et la manière dont les utilisateurs finaux les traitent, permettent également aux concepteurs de développer des produits plus efficaces et plus circulaires.
Le groupe Comet est un exemple concret wallon. Il développe des techniques de recyclage pour différents matériaux, élargissant sa palette depuis le milieu des années 1990. Le groupe peut revendiquer le traitement de la rouille, du verre, des plastiques et même des matériaux de construction. Autre utilisation de ces déchets : le carburant. Le projet Phoenix et sa prolongation, Phébus, visent à récupérer les matériaux organiques résultant du recyclage des voitures. Ces déchets sont à nouveau traités par un catalyseur et sont transformés en carburant de synthèse. Depuis avril 2019, Comet abrite les deux premiers centres agréés en Région wallonne pour le recyclage des voitures électriques.
Aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle qui fait son entrée sur le site d’Obourg (Mons), via le projet Multipick. Cet outil, développé depuis 2015 dans le cadre de la Reverse Metallurgy avec l’Université de Liège et Citius Engineering, ainsi que le soutien du Pôle MecaTech passe au stade industriel. Condensé de technologies robotiques, Multipick combine différentes technologies (caractérisation par rayons X, par couleur et par mesure 3D) afin d’automatiser le tri des métaux non-ferreux (cuivre, aluminium, zinc, laiton…) issus des voitures et électroménagers. L’information est ensuite envoyée aux robots trieurs, qui classent chaque fragment dans la bonne catégorie en vue de leur revalorisation. Outre une augmentation du rythme de production, la technologie va permettre de rapatrier en Belgique des flux de métaux qui avaient pris le chemin de lointaines contrées et du tri manuel à bas coût. Avant peut-être, d’exporter à son tour cette technologie unique, "made in Wallonie".
Pour Agoria, la Wallonie semble s’orienter plus volontairement vers l’économie circulaire, notamment avec la stratégie adoptée par le Gouvernement Wallon, mais elle doit aller plus loin en acceptant d’investir dans une opérationnalisation fine des ambitions annoncées et en structurant le paysage de l’économie circulaire.
Offrir les outils, les référencements et les soutiens méthodologiques et financiers afin d’accompagner les entreprises dans cette révolution tout en renforçant leur compétitivité est aussi une étape indispensable. Les expertises sectorielles comme le « Cesar Tool » d’Agoria dans le domaine spécifique de l’économie circulaire doivent inspirer nos décideurs politiques. Mais tout ne se joue pas au niveau régional, le niveau européen aussi doit assurer sa part afin de structurer un véritable marché unique de l’économie circulaire.
Pilier 4. Construction et rénovation économes en énergie et en ressources
Les bâtiments représentent 40 % de la consommation d’énergie en Europe. Aujourd’hui, le taux annuel de rénovation du parc immobilier varie de 0,4 à 1,2 % dans les États membres. Un des objectifs majeur du Green Deal est l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments ainsi que rendre le coût des énergies abordable.
La Confédération de la construction wallonne livre sa vision en ce qui concerne l'apport des technologies numériques dans l'atteinte de ces objectifs.
La digitalisation des process de construction, de gestion administrative et gestion du chantier (lean, logistique, livraison, zéro papier) contribue à une maitrise de la qualité d’exécution tout au long de la construction en s'appuyant sur une meilleure gestion de l’information via le partage des données entre les différents intervenants d’un chantier.
Grâce aux technologies comme le BIM (Building Information Modeling, Building Information Management) qui permet de créer virtuellement un bâtiment, il est possible:
- anticiper les besoins;
- bénéficier d’une gestion optimale de l'ouvrage (usage, maintenance, rénovation);
- adopter les meilleures solutions énergétiques, pour l’usage des matières, etc.;
- suivre les produits (puces RFID, codes-barres), dans ce modèle numérique, dès leur (pré)fabrication jusqu'au chantier;
- permettre de mieux gérer le bâtiment et contrôler les effets sur l’environnement tout au long de sa vie.
L’entreprise EMAC Belgium, Ambassadeur Made Different" pour l’Eco-Production, est un exemple dans le domaine. L'entreprise assure la diminution de l’empreinte carbone de ses processus de fabrication : valorisation des déchets, choix des machines en faveur de l’environnement, optimalisation de la livraison, entreprise autonome en énergie. Ils ont entièrement digitalisé leur process et entament une véritable transformation de leur atelier de production.
Par contre, la CCW souligne qu'il ne faut pas vouloir à tout prix intégrer le digital ou encore adopter “des machines de guerre” alors que ce n’est pas la solution. L'effet serait nocif. Par exemple pour mener à bien le réemploi des matériaux de construction, le BIM n’est peut-être pas, dans un premier temps, la technologie la plus adaptée. Des outils plus « modestes » sont plus efficaces comme le scan 3D de l’existant ou des plateformes d’échanges de matériaux.
En effet, le moyen digital ne doit jamais prendre le dessus. En faire une obsession en transformant le métier de la construction en un métier purement “numérique” serait contreproductif.
L’esprit critique, sa passion et le savoir de l’homme restent primordiaux.
Pilier 5. Accélérer la transition vers une mobilité durable et intelligente
Les transports représentent 25% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. L'objectif principal de la commission européenne dans ce domaine est de réduire les émissions du secteur des transports de 90 % d’ici à 2050.
Pour Logistics In Wallonia, le transport et la mobilité sont au-devant de défis colossaux. En effet, le secteur des transports (tant de personnes que de marchandises) est le seul secteur qui a vu ses émissions de CO2 constamment augmenter au cours de ces dernières années. Or, dans sa Déclaration de Politique Régionale, le Gouvernement Wallon s’est aligné sur les ambitions européennes de réduire les émissions de 55% en 2030 sur base des chiffres de 1990. L’ambition est aussi la neutralité carbone en 2050.
La solution est, par définition, complexe et multi-factorielle. Logistique et mobilité ont en commun de gérer des flux : des flux de personnes, de marchandises mais aussi et surtout des flux conséquents d’informations qui sont nécessaires au bon déroulement de toutes ces opérations. D’une part, il est possible de faire des gains sur les véhicules par le déploiement de carburants alternatifs ou de modes autonomes ou par l’adoption d’autres modes de déplacement (rail, fleuve, mode doux).
Mais, d’autre part, la gestion de l’information et donc la digitalisation représentent un enjeu central ; toute activité de déplacement génère de l’information qui permet de gérer:
- les heures de départ et d’arrivée,
- les conditions de transport des marchandises (track & trace),
- les perturbations dans le trafic (accidents, bouchons, etc),
- les formalités (douanières ou autres) auxquelles les acteurs doivent se conformer.
La situation sanitaire renforce ce besoin de digitalisation notamment dans les transactions relatives aux documents de transport qui étaient encore, jusqu’alors, des documents physiques.
Pour répondre aux ambitions européennes, une des actions lancées par la Wallonie est le développement d’un nouveau centre de contrôle du trafic appelé "Perex 4.0". Le Centre Perex existe depuis 1997 en Wallonie et est bien connu des usagers de la route puisqu’il informe sur les conditions de roulage sur le réseau routier. Ce nouveau centre intégré permet de gérer non seulement le trafic sur les routes mais également dorénavant sur les voies fluviales. Il permettra notamment à terme la manœuvre à distance d’ouvrages d’art tels que des écluses. Cela permet donc d’avoir un trafic qui soit idéalement optimisé et fluidifié sur nos principaux axes de transport.
Logistics in wallonia a aussi organisé en décembre 2020 un webinaire "La stratégie logistique et mobilité durables 2030 se met en œuvre !". On y trouve des témoignages, exemples, réflexions, etc.
Les solutions qui permettront de répondre aux défis devront forcément passer par le calibrage de l’information à fournir et la volonté publique d’aller plus vers de l’open data. La mobilité est aussi un business mais ici, l’autorité publique doit conserver un rôle central de régulateur et de fournisseur d’informations authentiques à tous les acteurs du marché sans discrimination. De plus, à l’avenir, il est fort probable que les interactions entre les données publiques et les communautés d’utilisateurs seront de plus en plus fortes dans ce qu’on appelle les "Collaborative Intelligent Transport Systems" (C-ITS).
Pilier 6. "De la ferme à la table", un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement
Pour l'Europe, un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement devra constituer la norme mondiale en matière de durabilité. La Commission souligne l'importance de l'agriculture de précision et de l'information de consommateur.
Pour Waldigifarm, c'est clairement un opportunité pour la Wallonie. En effet, notre Région a les atouts nécessaires pour se positionner en tant que leader dans ces domaines !
Premièrement, au centre des cinq pays européens producteurs de pommes de terre, au cœur de ce que les betteraviers ont coutume d’appeler la Sugar Belt de l’UE, la Wallonie hérite géologiquement de terres limoneuses parmi les plus fertiles et les productives du vieux continent.
A savoir aussi que l’intensification des pratiques culturales a engendré un appauvrissement substantiel de la teneur en carbone organique dans nos sols. Paradoxalement, c’est cette même molécule de carbone qui est au cœur de la cible du Green Deal. Depuis que la vie existe sur notre planète, le miracle de la photosynthèse permet de l’extraire de l’atmosphère et de la stocker de matière durable sous forme de matières organiques dans les sols (« humus »).
En découle le deuxième atout : t**ous les outils existent chez nous pour implémenter rapidement une stratégie efficiente de stockage de carbone dans les différents types de sol selon leur potentiel de séquestration :**
- des référentiels historiques probablement sous-exploités (dont une carte numérique des sols éditée sur base des sondages de terrain de la totalité du territoire dans les année 70),
- des bases de plusieurs millions de données d’analyses de sols, des techniques agronomiques éprouvées,
- une excellente couverture réseau des campagnes pour développer des applis IoT de mesure et de suivi des stocks.
Troisièmement, notre région regorge surtout de compétences humaines insoupçonnées (agriculteurs, agronomes, chercheurs, développeurs, data scientists et autres acteurs du numérique) pour transformer rapidement l’essai.
Mais pour devenir un leader, au moins trois défis sont à relever :
- ne plus tarder,
- ouvrir les "silos" entre agriculture et secteur numérique, et surtout,
- adopter des stratégies "low GES by design" pour éviter tout résultat contre-productif.
En conclusion, la fertilité de nos sols et leur productivité, nos outils numériques déjà présents ainsi que nos compétences et expertises font de la Région wallonne, plus que probablement, un des plus beaux laboratoires à ciel ouvert qui se serait ignoré jusqu’à présent pour le développement de nouvelles solutions agro-numériques rencontrant simultanément les objectifs des stratégies Green Deal et Numérique.
Pilier 7. Une ambition "zéro pollution" pour un environnement sans substances toxiques
La Commission Européenne souhaite adopter en 2021 un plan d’action "zéro pollution" pour l’air, l’eau et les sols. Dans le Green Deal, les technologies du numérique sont déjà identifiées comme moyen permettant de mettre en place des solutions de prévention, de surveillance et de suivi.
En ce qui concerne GreenWin, les technologies numériques dans les projets du pôle sont maintenant intégrées dans les composantes de réalisations de ceux-ci, de manière quasi systématique, alors qu’il y a encore deux ans, ce n’était pas nécessairement le cas. Les technologies numériques permettent, par exemple:
- la réalisation d'économies dans les phases de tests, que ce soit par simulation, jumeaux numériques ou scale-up digitaux.
- la modélisation de procédés en ateliers, accélérant la réalisation des tâches, tout en réduisant la pénibilité de celles-ci.
- l'optimisation des options de "lean management" dans les procédés industrielles auxquels elles sont appliquées.
Elles sont déjà bien activées dans les projets de procédés et matériaux innovants de construction, elles le sont aussi dans le cadre de la remédiation des eaux, sols, airs et boues.
Un exemple concret est le projet COSMOCEM visant la création d’additions minérales réactives pour liants hydrauliques résultant de la transformation de flux de déchets wallons peu ou pas valorisés par un nouveau procédé écologique d’activation piloté par Intelligence Artificielle. GreenWin compte plusieurs autres projets qui s’inscrivent dans une approche d’économie circulaire, s’appuient largement sur le numérique. C’est aussi le cas de ceux liés à la capture et l’utilisation du CO2, par exemple. Les projets et détails sont à retrouver dans le Handbook de GreenWin
Quant à la question sur comment éviter les dérives ou les effets pervers dus au recours à des procédés innovants, GreenWin a imposé l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) au cœur de chacun de ses projets de pôles. Cette analyse a lieu tout au long de la vie du projet : en amont, pendant et en aval de celui-ci. Elle prend en compte l’impact des composantes du projet sur l’environnement.
Grâce à cet outil, l’impact éventuel du recours au numérique est analysé et mesuré, et peut, ainsi, être géré de manière à le minimiser voire à l’éliminer complètement. Loin d’être une contrainte, l’ACV devient en fait une force du projet, et permet de le positionner comme solution sûre, au niveau environnement, ce qui présente un atout et un avantage commercial supplémentaires.
Pilier 8. Préserver et rétablir les écosystèmes et la biodiversité
Dans le cadre de ce dernier pilier, la Commission Européenne a pour ambition de proposer des objectifs mondiaux de protection de la biodiversité et des engagements visant à répondre aux causes de la perte de biodiversité dans l’UE, étayés par des objectifs mesurables.
Parmi les solutions évoquées par la Commission, la mise au point d'un modèle numérique de la Terre de grande précision est très clairement mis en avant. En effet, une initiative visant à mettre au point un modèle numérique de haute précision de la Terre (un «jumeau numérique» de notre planète) qui améliorerait les capacités européennes de prévision et de gestion de crise en matière d’environnement.
Dans ce domaine, Skywin Wallonie est bien évidement au coeur de cette dynamique "Earth Observation" (EO), notamment avec le projet abouti SW_EOREGIONS, et d’autres projets en cours de sélection. Plus globalement, la Région travaille actuellement sur 3 axes stratégiques, source de développement économique dans le champs de la cyber-sécurité et de la chaine de valeur des images d’observation de la Terre.
- Capacité de stockage et de traitement : Collaborative Ground Segment (CGS), High Performance Calculator (HPC) avec CENAERO.
- Cyber-sécurité : développement en Wallonie de pôles spécialisés de cyber-sécurité comme ESEC Redu, et Centre de Formation en Cyber-Sécurité chez Thales Belgium.
- Traitement par Intelligence Artificielle : Rencontres AI4Copernicus (Skywin), Aerospacelab, ScanWorld, Spacebel, TRAIL in EUCASS (2021 – conférences et ateliers)
Ces projets et collaborations visent à la création de nouveaux services en développement durable dont le suivi automatisable des enjeux environnementaux comme le niveau des océans, la déforestation, les mouvements géologiques à grande échelle, l’impact de l’agriculture, gestion des épidémies.
Conclusion
Comme on le voit avec ces exemples, la Wallonie n'a pas attendu que l'Europe fixe les objectifs pour avancer. Dans certains domaines, elle peut revendiquer un rôle de précurseur. Dans d'autres, elle peut s'appuyer sur une expérience et des projets bien présents et qui s'amplifient au fil des années.
La Wallonie a donc bien pris conscience des enjeux climatiques et environnementaux, notamment avec des actions dans le domaine de la pollution, de la biodiversité et des écosystèmes. L'implication va maintenant au delà de celle des acteurs liés au domaine "pur" de l'écologie. Les pôles de compétitivité, les fédérations, les clusters et bien d'autres acteurs reconnaissent l'importance d'agir rapidement et d'amplifier les initiatives pour limiter les impacts, conserver voire régénérer notre économie, ainsi que de tirer les avantages que cela peut apporter en terme de bien-être et d'emploi.
Dans tout cela, le numérique est un des moyens pour atteindre les ambitions européennes, nous ne sommes qu'aux prémices des réflexions et du chemin à parcourir pour y parvenir.
L'Agence du Numérique a bien évidement son rôle à jouer au travers de sa stratégie Digital Wallonia et s'engage dès à présent à avancer avec les acteurs wallons intéressés par ces sujets. Elle a d'ailleurs fait évoluer sa vision et raison d'être dans ce sens : "Pour un avenir collectif grâce à un numérique inclusif, responsable et durable au service de la Wallonie".