Entre 30 et 51% de consommateurs, suivant les pays, ont changé d’enseignes à l’occasion de la crise du Coronavirus. Ils ont également changé leurs habitudes de consommation. 20% affirment qu’ils ne reviendront pas en arrière. Le commerce de détail doit se réinventer pour transformer ces bouleversements en nouvelles opportunités d’affaires.
Moins d’activités de loisirs, moins de balades dans la nature, mais aussi moins de transport public et de trajets vers le lieu de travail, ... sans surprise, les mesures de confinement liées au Covid-19 ont bouleversé les habitudes des Belges, de la mobilité à l'alimentation, en passant par le rapport au commerce local.
Ces changements de comportements sont-ils temporaires ? S'accompagnent-ils de nouvelles valeurs et donc de nouvelles orientations de consommation ? Les conjectures sont nombreuses mais les contours d'un changement important se précisent.
Selon Google France, les citoyens s'adaptent à la nouvelle donne et leurs comportements de consommation évoluent de semaine en semaine à plusieurs niveaux :
- la mobilité,
- la consommation,
- les loisirs.
Le confinement ayant restreint l’utilisation des transports publics et les déplacements de manière drastique, les recherches d'informations concernant le remboursement des titres de transport ou encore les conditions d’annulation de voyages ont fortement augmenté. Les Français explorent d'autres façons de voyager y compris sans sortir de chez eux. On est également en droit de se demander si après cette crise, ceux qui passaient jusqu'à 3 heures par jour dans les transports et qui font aujourd'hui du télétravail, accepteront encore de perdre autant de temps dans ces déplacements.
Nouvelles tendances de consommation
En matière de consommation, la solidarité envers les commerces locaux et les restaurateurs s'organise comme nous l'évoquions dans un récent article. Les internautes cherchent des moyens de lutter contre la faillite de l'économie locale. Ce qui les pousse à consommer davantage du producteur au consommateur ou encore à délaisser les grandes surfaces au profit des artisans pour certains achats.
Les plateformes de seconde main et les bibliothèques d'objets pour le prêt et l'échange connaissent une forte hausse de fréquentation en raison de l'indisponibilité de nombreux biens non essentiels. Cette crise met en lumière l'importance du choix des fournisseurs habituels en tenant compte de certaines valeurs telles que l'autonomie alimentaire ou encore l'importance de continuer à produire certains biens de première nécessité sur notre sol (masques, médicaments, etc).
Par ailleurs, dans ce quotidien confiné, toute activité quelle qu'elle soit devient potentiellement un loisir, un moyen d'évasion par rapport aux contraintes que nous vivons. Les citoyens d'habitude pressés redécouvrent la cuisine, la lecture, les jeux d'esprit, l'activité physique à domicile et l'entretien de leur maison dans une nouvelle temporalité propice à l'introspection. Et si d'aventure, certains décidaient de changer certaines de leurs habitudes pour de bon ? Le commerce de détail doit anticiper ces changements sous peine de rater de nouvelles opportunités.
L'exemple de l'Asie ...
McKinsey vient de mener une étude auprès de 5000 consommateurs issus de 7 pays d'Asie pour comprendre les changements de comportements et de valeurs des consommateurs suite à la crise sanitaire. Certes, cette pandémie ne se vit pas de la même manière d'un continent à l'autre, mais ce qui se passe en Asie touchée par le virus bien avant l'Europe peut s'avérer riche d'enseignements pour anticiper certains changements et limiter les pertes financières présentes et à venir.
Un premier constat est l'inquiétude des consommateurs par rapport à leur pouvoir d'achat. Ainsi, de 53 à 70% d'entre eux, subissent ou craignent une perte de revenus en raison de la crise selon McKinsey.
... et de la Belgique
Cela ne semble pas être très différent dans notre Royaume puisque dès la fin mars Test achats constatait que la moitié des Belges étaient confrontés à une perte de revenus. De tout temps, une contraction du pouvoir d'achat a été synonyme d'un recentrage sur des achats offrant un meilleur rapport qualité-prix. La crise du Covid19 a replacé l'alimentation, la santé et la technologie (principalement numérique) au centre de nos préoccupations.
Ainsi, pour 75% des consommateurs interrogés dans le cadre de l'étude, consommer des produits locaux, durables et sains est devenu beaucoup plus important qu'avant la crise. Ce taux atteint même 80% en Australie. Cela risque de laisser des traces. En Chine par exemple, les marques internationales sont généralement très prisées et associées à une forme de luxe. Désormais, à peine 43% des consommateurs sondés continuent à les privilégier alors que la majorité s'est recentrée sur la production locale.
L'importance des technologies digitales
Le confinement a largement démontré l'importance du digital pour maintenir une activité économique tout en préservant la santé de chacun. Dans ce contexte, le self check-out (où l'on scanne soi-même les produits), ainsi que les paiements sans contact sont devenus des services à valeur ajoutée, permettant de protéger la santé des clients.
En Indonésie, pas moins de 40% des consommateurs interrogés affirment qu'à l'avenir, ils privilégieront les commerçants dont l'offre technologique est complète. Entendez : la commande en ligne, le "self check-out", les paiements sans contact, et la livraison à domicile ou en point relais.
Colruyt, Delhaize, Carrefour et les autres distributeurs dont les points d'enlèvement "collect and go" ou équivalent ont été noyés et fermés durant la crise doivent absolument en tirer les leçons. Le commerce de détail doit se réinventer en proposant un parcours client sans friction depuis la commande en ligne jusqu'à la livraison à domicile. Cela implique des partenariats avec des logisticiens "last-mile", des entrepôts éventuellement réfrigérés disséminés dans les villes et la transformation des points de vente physiques en points de retrait et de dépôt. Un exemple d'initiatives de ce type vient de voir le jour en Finlande avec les Posti Boxes.
Commerce de détail : 3 axes pour se réinventer
Le commerce de détail doit se réinventer selon trois axes :
- L'amélioration du rapport qualité-prix des produits et services. Ce critère apparaît bien plus important en temps de crise car les consommateurs veulent légitimement dépenser leur argent de la manière la plus efficiente possible.
- Le recours accru à la technologie. Celle-ci s'est avérée indispensable pour maintenir un maximum d'activité économique mais surtout, elle est devenue un moyen de protéger le consommateur et de lui fournir le meilleur service. L'e-commerce sur toute la chaîne de valeur est devenu incontournable pour les enseignes physiques.
- Le respect de certaines valeurs pour garantir la fidélité. Les consommateurs ont changé de fournisseurs par solidarité et pour privilégier l'économie locale. Désormais, le prix et le choix d'articles ne suffiront plus à fidéliser la clientèle. Cela entre par ailleurs fortement en écho avec les défis climatiques qui jusqu'à présent, n'avaient pas réussi à provoquer une telle prise de conscience. Il y a fort à parier que le marché est plus que jamais mûr pour la consommation saine, locale, éco-responsable et donc durable.