L’enjeu du numérique dépasse l’utilisation des technologies pour les intégrer aux pratiques et dynamiques internes. Une appropriation réussie repose sur la compréhension des usages, impactant routines, relations et savoirs. L'Agence du Numérique dans le cadre de la stratégie Digital Wallonia soutient les organisations pour faire des outils numériques des leviers d'innovation et d’efficacité, créant un environnement où technologie et organisation se renforcent mutuellement.
Dans un contexte où le numérique est devenu incontournable dans le développement des organisations, il est essentiel de ne pas se limiter à une simple "appropriation technologique". Les véritables défis résident dans l'intégration des outils numériques, dans les pratiques quotidiennes de travail et dans l'articulation entre ces outils et les dynamiques organisationnelles. Elle repose sur une compréhension fine des usages, des dynamiques collectives et des pratiques émergentes.
Comprendre les usages dans leur contexte
La distinction entre l'utilisation des outils numériques et leurs usages est essentielle pour toute organisation. L'utilisation fait référence aux interactions directes avec les technologies comme par exemple, la fréquence d'utilisation d'une plateforme collaborative ou le nombre de messages envoyés via un outil de communication. Ces indicateurs quantitatifs, bien qu'utiles, ne suffisent pas pour saisir l'impact profond des technologies sur le fonctionnement d'une organisation.
L'usage, en revanche, renvoie aux pratiques concrètes, aux manières dont les technologies sont intégrées dans le quotidien du travail, modifiant potentiellement les routines, les savoirs et les relations professionnelles. Les usages sont façonnés par les normes sociales, les dynamiques collectives, et le cadre organisationnel proposé par l'entreprise. Ils ne se réduisent pas à des compétences individuelles, mais s'inscrivent dans une dimension collective et organisationnelle plus large.
Intégrer les technologies. Cohérence entre numérique et organisation
L'intégration des technologies ne peut être réussie que si elle s'accompagne d'une réflexion sur l'organisation du travail. Les choix en matière de management et de conduite du changement jouent un rôle déterminant dans l'appropriation des technologies. Par exemple, un management qui favorise l'autonomie des collaborateurs et la transparence de l'information est plus susceptible de voir des usages innovants émerger, alignés avec les objectifs stratégiques de l'entreprise.
Cependant, il est important de reconnaître que les usages ne se développent pas toujours en parfaite adéquation avec les intentions initiales. Parfois, les outils sont détournés de leur usage prévu, ce qui peut entraîner des pratiques déviantes. Ces déviations ne sont pas nécessairement négatives ; elles peuvent aussi révéler des besoins non satisfaits ou des opportunités d'innovation organisationnelle. Néanmoins, elles posent la question de l'intégration de ces nouvelles pratiques dans l'organisation du travail et de leur impact sur la structure globale de l'entreprise.
Le processus d'appropriation. Une alternance entre usages, technologies et organisation
L'appropriation des technologies au sein des organisations n'est pas un processus linéaire. Elle est marquée par des allers-retours constants entre les usages, les outils technologiques, et l'organisation du travail. Ces interactions donnent lieu à une institutionnalisation progressive des pratiques, qui deviennent partie intégrante de la structure organisationnelle. Cependant, cette structure n'est jamais figée ; elle évolue en permanence en fonction des innovations technologiques, des nouveaux usages, et des ajustements organisationnels.
La capacité d'une organisation à favoriser et à accompagner ces dynamiques d'usage est un facteur clé de succès. Il s'agit de créer des conditions organisationnelles propices à l'innovation, en reconnaissant les apports des collaborateurs et en mettant en place des dispositifs d'organisation adaptés. Ce travail d'organisation consiste à produire des règles et des processus qui permettent d'atteindre les objectifs de l'entreprise tout en étant suffisamment flexibles pour intégrer les nouvelles pratiques émergentes.
Les bénéfices des usages maîtrisés et innovants
- Renforcement de l'autonomie verticale et horizontale. Les plateformes numériques fluidifient les relations tant horizontales que verticales en démocratisant l'accès à l'information. Cette transparence permet de réduire les distances hiérarchiques et de favoriser une collaboration plus ouverte et égalitaire. Les collaborateurs deviennent ainsi plus autonomes dans leurs tâches quotidiennes, ce qui stimule l'innovation et la créativité.
- Gains d'efficience et de confort mental. L'intégration réussie des outils collaboratifs permet de réduire le temps consacré aux réunions et aux échanges d'e-mails pour la gestion des documents. Par exemple, les outils de co-édition et de versionnage diminuent les risques d'erreurs et les contradictions entre documents. De plus, les outils numériques facilitent le travail asynchrone, perçu comme bénéfique pour la concentration et l'autonomie des salariés, à condition que la culture organisationnelle soutienne ces pratiques.
- Communication interne mieux ciblée. Les outils collaboratifs comme Teams ou Slack permettent d'envoyer des messages à une communauté concernée, ce qui améliore la pertinence et l'efficacité des communications. Cependant, pour que ces outils fonctionnent efficacement, il est crucial de comprendre leur logique sous-jacente et de mettre en place des pratiques adaptées aux besoins opérationnels de l'entreprise.
Les effets pervers d'une appropriation mal gérée
Si les technologies numériques peuvent transformer positivement les organisations, une mauvaise gestion de leur appropriation peut également engendrer des effets pervers. Lorsque l'introduction des outils n'est pas pensée en lien avec la culture organisationnelle et les processus de travail, elle peut mener à une désorganisation du travail.
Un exemple classique est l'e-mail, un outil conçu pour la communication asynchrone, mais souvent utilisé de manière synchrone, créant une pression pour des réponses immédiates et générant du stress. Ce décalage entre la promesse d'un outil et son usage réel illustre les défis que rencontrent les entreprises dans l'intégration des technologies.
Une appropriation réfléchie et contextualisée
Pour les organisations, l'intégration du numérique ne doit pas être perçue comme une simple appropriation technologique, mais plutôt comme un processus d'appropriation qui nécessite une réflexion approfondie sur les usages, les dynamiques collectives, et les processus organisationnels. En comprenant et en gérant ces usages, les entreprises peuvent transformer les technologies en véritables leviers de performance et d'innovation.
Il est essentiel de créer un environnement favorable à l'émergence de nouvelles pratiques, tout en veillant à ce que ces pratiques s'inscrivent dans un cadre organisationnel cohérent et partagé. Ce n'est pas la technologie en elle-même qui détermine le succès d'une transformation numérique, mais la manière dont elle est intégrée et organisée au sein de l'entreprise. Les organisations qui parviendront à relever ce défi seront mieux préparées pour tirer parti des opportunités offertes par le numérique.
Le programme Organisation Numérique
Pour rappel, le programme Organisation Numérique de la stratégie Digital Wallonia soutient les organisations dans l'adoption des usages numériques, afin d'en faire un véritable moteur de croissance et de transformation.
Ce programme vise à coordonner des actions d’accompagnement (sensibilisation, formation, communication, appropriation) indispensables au développement des valeurs, des modes de travail et d’outillage de la Digital Workplace.
Pour en savoir plus
Marine Pochet
Agence du Numérique
Marie-Pierre Van Dooren
Agence du Numérique