A l'occasion de la table ronde "Marketing d'influence : quel encadrement des partenariats", organisée par le Digital Lab, 4 experts ont échangé leurs points de vue sur cette thématique. Cet article résume les différents échanges. Le Digital Lab est un acteur référent de la stratégie numérique de la Wallonie, Digital Wallonia.

Définition du marketing d'influence


Le marketing d'influence est défini comme la transmission d'un message de marque à un ou plusieurs public(s) cible(s), qui intéressent cette marque, par des créateurs de contenus. Ces derniers sont des personnes qui disposent de petites ou grandes communautés sur les réseaux sociaux, et peuvent accepter de diffuser les messages des marques, le plus souvent contre rémunération.

Ce type de communication a été popularisée avec la montée en puissance des réseaux sociaux, en particulier Instagram, au milieu des années 2010. La pandémie de covid-19 a également contribué à la croissance du marketing d’influence : durant le confinement, les marques devaient en effet continuer à communiquer avec leur clientèle. Or, les réseaux sociaux et les influenceurs constituent un nouveau vecteur intéressant en 2020 et 2021. Il faut cependant noter que de tout temps, certaines personnes en ont influencé d'autres, bien avant la popularité des réseaux sociaux.

Contexte légal


En juin 2023, une "loi influenceurs" a été adoptée en France. Elle définit de manière précise le statut des influenceurs, ainsi que leurs responsabilités, y compris en termes de partenariats (par exemple, il est interdit de promouvoir des services financiers ou de la chirurgie esthétique).

Qu'en est-il en Belgique ? Selon Jean-François Henrotte, l'encadrement de la publicité par la loi propose déjà des bases pour réglementer l'influence. Le Centre de Communication a publié des recommandations en complément sur la notion de transparence, mais cet avis s'adresse exclusivement aux annonceurs. Le Code de droit économique précise en outre qu'un consommateur ne peut pas se faire passer pour un professionnel (dans ce cas-ci, un influenceur rémunéré est considéré comme professionnel).

Public(s) cible(s)


Chez Partenamut, l'influence peut être utilisée, avec prudence, pour intéresser les plus jeunes à des thématiques auxquelles ils ne s'intéressent pas nécessairement, comme l'affiliation à une mutuelle. Mais le sujet de l'influence sur les plus jeunes est un point récurrent des discussions en société, et parfois vu de manière plus négative.

Les audiences les plus jeunes sont vulnérables également parce qu'elles développent encore leur esprit critique et leur rapport au monde. Les jeunes peuvent avoir plus de difficultés à reconnaître la publicité si elle n'est pas suffisamment bien annoncée. La transparence du partenariat s'avère dans ce cas cruciale pour rester honnête vis-à-vis des consommateurs.

Laurence Dessart insiste sur le levier puissant qu’est la confiance : "Le principe de l'influence et pourquoi les marques y ont recours, c'est parce qu'on fait plus confiance à nos pairs ou à des gens qui nous ressemblent, qu'à des marques." Les impacts psychologiques et physiques des réseaux sociaux sur les jeunes, sur leur construction de leur représentation d'eux-mêmes, sur leur bien-être mental, et sur les liens para-sociaux qu'ils développent vis-à-vis des créateurs de contenu, sont autant d’effets potentiellement négatifs que ce rapport de confiance peut soulever.

Réputation des influenceurs


Parfois désignés comme "influvoleurs", quelques influenceurs peu scrupuleux peuvent donner une mauvaise image des influenceurs en général, aux marques comme aux consommateurs. Mais Thomas Angerer tempère : "L'influence est un canal aujourd'hui extrêmement sûr, parce qu'il y a des garde-fous qui sont mis en place et parce que tout le monde a intérêt à ce que ça marche bien." En effet, poursuit-il, les agences veulent, elles aussi, que les partenariats soient encadrés de manière réfléchie : "C'est important d'avoir le secteur qui intervient au niveau de l'élaboration de la régulation ou de la loi, pour éviter que l'influence soit punie et soit désavantagée par rapport au reste de la communication."

Le panel s’accorde à dire que le marketing d'influence doit être tenu aux mêmes standards que les autres types de communication (publicités à la télévision ou panneaux publicitaires, etc.).

Intégrer les influenceurs dans les stratégies de communication


Partenamut prépare de manière extensive la recherche d'influenceurs avec les agences, afin de garantir la probité de la personne qui présentera la mutuelle. Le contenu étant lié à la santé, le choix de l'influenceur est particulièrement important. Dès lors, le type de contenu compte plus que le nombre d'abonnés aux réseaux sociaux du créateur de contenu.

"Pour nous, le plus important, c'est déjà la collaboration avec les agences et les agents d'influenceurs." témoigne Alexis Guanochanga." C'est d'avoir vraiment cette relation où ils peuvent nous suggérer des influenceurs qui correspondent exactement à ce que nous souhaitons mettre en avant. […] Je passe des heures à consulter les pages sur Instagram, sur Facebook, pour trouver vraiment les bons profils, et c'est avec ces bons profils qu'on peut discuter, avec les agences, et se dire "plutôt cette personne-ci, plutôt cette personne-là". Comme ça, on arrive à quelque chose qui est cadré, pas uniquement pour nous mais également pour l'audience."

Les intervenants sont unanimes : l'influence doit entrer dans une stratégie de communication plus large, sur d'autres canaux. Thomas Angerer ajoute "Demain, l'influence va être intégrée beaucoup plus à la relation presse, à l'événementiel, au social média, pour trouver des stratégies qui vont utiliser les forces de ces verticales-là en synergie." Néanmoins, certaines marques ont essayé mais abandonné le marketing d'influence, car il n'était pas en bonne adéquation avec la gestion de l'image de la marque (par exemple, certaines marque de luxe ont renoncé à travailler avec des influenceurs).

Le rôle des agences


Depuis quelques années, l'influence est sortie du domaine exclusif des cosmétiques et de l'industrie de la beauté, et est utilisée par des institutions politiques et des associations, qui travaillent avec des agences comme BeInfluence.

"L'influence, ce n'est pas que mercantile." souligne Thomas Angerer. "Ce n'est pas que commercial, et ça peut aussi apporter énormément de valeur à des institutions ou des associations qui ont besoin, non de vendre un produit, mais de transmettre un message ou de faire changer une opinion."

Les agences choisissent leurs influenceurs non seulement en fonction du type de contenu qu'ils créent et de leur personnalité, mais également selon l'audience atteinte avec ce contenu.

Gérer les dérapages


Laurence Dessart et Thomas Angerer s’accordent à identifier deux types de "dérapages" (ou risques) possibles dans le cadre d'un partenariat marque-influenceur : une erreur dans la publication sponsorisée (par exemple, la mauvaise identification de la marque), ou un problème de réputation de l'influenceur entre le moment de validation du contenu sponsorisé et de la publication du contenu sponsorisé.

Mais que dit la loi ? En cas de "dérapage" de l'influenceur, le contrat le liant à la marque peut servir à réclamer des dommages. "Souvent, dès que c'est du numérique, on se fond d'une nouvelle loin qu'on n'arrivera pas à contrôler, qu'on arrivera pas à appliquer." commente Jean-François Henrotte, "la plupart du temps, les grands principes du droit suffisent."

Quel futur pour le marketing d'influence ?


Les conclusions du panel sont multiples 

  • L'authenticité pour les influenceurs et la créativité de la part des marques vont devenir de plus en plus importantes. Le marketing d'influence est de plus en plus intégré aux stratégies de communication et de plus en plus de moyens y sont investis. "Demain, on va parler d'authenticité bien sûr, mais aussi de créativité pour aller chercher des campagnes plus créatives, des contenus qui interpellent plus, qui procurent plus d'émotion, etc." confirme Thomas Angerer.
  • Les campagnes avec les influenceurs amènent de la fraîcheur et du renouveau dans les campagnes de communication. L'impact et le retour sur investissement (ROI) sont par contre encore difficiles à mesurer.
  • La recherche et le monde académique s'intéressent de plus en plus à l'influence, bien que davantage pour en identifier les mécanismes que pour dénoncer ses dérives. Les étudiants en marketing démontrent également une curiosité pour ce sujet.

Présentation du panel

  • Thomas Angerer est le co-fondateur de BeInfluence Europe, qu'il a lancé avec son associé Boris Kaisin en étant encore étudiants en 2017, et qui est depuis devenue une des agences d'influence (une industrie pesant 28 milliards de dollars en 2022) leader en Europe. En dehors d'avoir lancé une scale-up au succès européen, Thomas est également professeur de marketing d'influence à l'IHECS et coach en entrepreneuriat dans un incubateur et 2 grandes écoles à Paris.
  • Laurence Dessart est professeure eu sein du domaine "Strategic Marketing Innovation" et Directrice de la Recherche élue à HEC Liège. Elle a réalisé son master à HEC Liège et est titulaire d’un doctorat en marketing de l’Université de Glasgow. Elle également a travaillé dans le marketing digital en Chine et été professeure à KEDGE Business School en France. Ses thèmes d’expertise portent sur la gestion de la marque, le marketing digital et le comportement du consommateur.
  • Alexis Guanochanga est Social Media Manager chez Partenamut, la mutuelle qui cultive la santé de ses 1,3 million de membres à Bruxelles et en Wallonie. Expert en stratégies social media, marketing d’influence et créateur de contenu, il est spécialisé dans la création de contenu vidéo pour les marques sur les réseaux sociaux.
  • Jean-François Henrotte est le managing partner et fondateur de Lexing-Belgium. Sa pratique de plus de 20 ans dans les technologies avancées lui a valu la reconnaissance par son Ordre du titre de spécialiste en droit des TIC & de la propriété intellectuelle. Collaborateur de l’ULg-HEC, il est directeur de la Revue du Droit des Technologies et de l'Information et membre du comité de rédaction de la revue JLMB.

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