La pandémie du COVID19 est une crise avec de lourdes conséquences économiques et sociales, mais aussi une occasion inédite de tester le travail à distance à grande échelle au sein d’un grand nombre de secteurs. Les infrastructures, les citoyens, les entreprises sont ainsi contraints à un saut technologique qui délivrera de précieuses leçons pour l’avenir. L’AdN fait le point sur la maturité des entreprises dans ce domaine.
Alors que les gouvernements appellent à recourir systématiquement au télétravail quand cela est possible pour contrer la pandémie du Coronavirus, se pose évidemment la question de la capacité de nos entreprises et organisations à basculer effectivement dans un système où ce qui était une facilité offerte aux collaborateurs devient le fonctionnement par défaut.
Les outils de collaboration en ligne ne sont pas neufs, mais en dehors des moyennes et grandes entreprises, ou encore des secteurs dont la maturité technologique est élevée, ils restent encore sous-utilisés. Skype, Teams, Slack, Hangouts, ... sont certes présents, mais pas forcément complètement intégrés dans l'organisation et les processus de travail.
Pourtant, ces technologies offrent un véritable espace de travail virtuel : services de messagerie, transcription automatisée d'échanges vocaux, calendriers partagés, travail collaboratif à distance, ...
Où en est le travail distant en Belgique?
Selon le SPF Mobilité, le télétravail est déjà bien ancré dans les habitudes des entreprises. Ainsi, 17% des salariés du Royaume travaillent régulièrement à domicile. Parmi ces habitués du travail à distance :
- 40% le pratiquent un jour par semaine,
- 30% deux jours,
- 29% trois jours.
Jusqu'à présent, le mécanisme s'est surtout développé pour une question de mobilité ou pour une meilleure harmonie entre vie professionnelle et vie privée.
Les secteurs leaders du travail à distance sont, sans surprise, la banque et les assurances avec 31% de télétravailleurs, directement suivis par les administrations et l'enseignement (22%) et les "autres services" (consultance, immobilier, services aux entreprises, ...) qui en comptent en moyenne 20%.
Par contre, il est évident que certains secteurs (industries, Horeca, commerces, etc.) ne sont pas en capacité de "délocaliser" aussi facilement leurs activités, ce qui les fragilise énormément dans le cadre de la crise actuelle. Les retombées économiques de la distanciation sociale seront malheureusement lourdes pour les entreprises qui devront temporairement interrompre leurs activités, faute de pouvoir les dématérialiser.
Et la Wallonie ?
Du point de vue des entreprises
Au niveau wallon, le tableau n'est pas très différent. Ainsi, les premières observations du baromètre entreprises 2020 de l'Agence du Numérique, actuellement en cours d'analyse et de rédaction, montrent que la possibilité offerte aux travailleurs de télétravailler varie fortement selon la taille des entreprises:
- 40% des PME ( 5 à 250 travailleurs),
- 74% des grandes entreprises.
Dans un quart des ces entreprises (24%), le travail à distance a changé le mode de management qui est maintenant davantage axé sur les objectifs, les résultats, ainsi que sur l'autonomie dans l'organisation du travail.
Du point de vue des citoyens
Le dernier baromètre de maturité numérique des citoyens wallons, publié en 2019 par l'AdN, s'était également intéressé au télétravail, sous l'angle des travailleurs.
En Wallonie, 38% (+5) des employés déclarent pouvoir travailler en dehors des murs de leur entreprise ou administration à l’aide d’outils numériques. Les employés de sexe masculin travaillent nettement plus souvent à distance que les femmes. En effet, parmi les employés qui travaillent parfois à distance, 72% sont des hommes contre 28% de femmes.
Par ailleurs, le secteur privé autorise davantage le travail à distance que le secteur public. Ainsi, 40% des employés du privé sont autorisés à travailler à distance contre 33% de ceux qui sont actifs dans le secteur public. En effet, l’organisation du travail au sein des administrations est en général davantage réglementée que celle des entreprises privées qui disposent d’une plus grande marge de manoeuvre pour leur organisation interne.
Du télétravail comme facilité au télétravail par défaut
Cependant, la pandémie de Covid19 nous projette dans une nouvelle réalité : la généralisation du travail à distance, alors que ce dernier n'était jusqu'ici qu'un outil de management parmi d'autres.
Depuis le lundi 16 mars, nous vivons un test à une échelle inédite de la collaboration en ligne, avec toutes les interrogations que cela soulève en termes de capacités :
- de nos infrastructures technologiques ;
- d'appropriation de nouveaux outils dans l'urgence ;
- d'adaptation et d'agilité.
Les leçons du confinement seront précieuses pour l'avenir. Dans un dossier récent, le consultant Gartner a identifié les principaux défis en termes de management que soulève le télétravail à grande échelle :
- L'absence préalable, ou le manque d'appropriation des technologies collaboratives.
- L'inconfort de changer ses habitudes de travail en utilisant des outils parfois peu ou pas maîtrisés.
- Le maintien du lien, de la confiance et de la performance, dans un nouveau contexte de travail.
Ces défis sont considérables. De nouvelles règles dans l'organisation du travail, de nouveaux indicateurs de performances et de nouvelles habitudes liées au "vivre ensemble à distance" devront être rapidement adoptés par les entreprises.
La crise sanitaire sera probablement l'occasion d'un saut technologique, mais elle risque également de creuser la fracture numérique entre les entreprises "technophiles" et celles qui, par la nature de leurs activités ou encore par un manque de compétences et de moyens, n'auront pas pu tirer profit de la généralisation temporaire du travail à distance.
A ce sujet, à l'occasion notamment de ses baromètres de maturité numérique, l'Agence du Numérique souligne systématiquement combien le suivi et l'accompagnement des entreprises à la transformation numérique, ainsi que la formation continue, sont cruciaux pour permettre à un maximum d'entreprises de prospérer dans notre économie toujours plus digitalisée.