Lors du Salon VivaTech, deux éléments particulièrement intéressants étaient consacrés à la problématique de l’ordinateur quantique : un espace "Quantum Village", regroupant plusieurs prestataires et organismes de recherche sur le sujet et une session spécifique organisée par IBM faisant le point sur l’état des lieux de la R&D en matière d’informatique quantique.
L'ordinateur quantique
Cet ordinateur présente l’avantage de pouvoir effectuer de très nombreux calculs "en parallèle" et non de manière séquentielle en raison des propriétés physiques intrinsèques des particules de matière. Cette capacité démultiplie donc la puissance de calcul tout en réduisant drastiquement le temps nécessaire pour obtenir un résultat par rapport à un ordinateur conventionnel.
Derniers progrès
D’importants progrès ont été réalisés ces dernières années, particulièrement au sujet du nombre de qubits (bits quantiques) capables de fonctionner de concert.
Actuellement, les meilleures expériences permettent de faire fonctionner des processeurs quantiques d’une taille de 400 qubits environ (433 pour l’Osprey d’IBM). IBM a annoncé vouloir commercialiser un ordinateur de 1121 qubits d’ici la fin de l’année 2023 ou début 2024.
Pour autant, la technologie connaît de nombreuses limites. Certaines tiennent à la physique quantique elle-même et seront probablement indépassables. Pour d’autres, la R&D devrait permettre de reculer considérablement les barrières actuelles.
Cet état de fait a un impact considérable sur les applications potentielles de l’informatique quantique et sur le choix de son chemin de développement.
Applications pour les entreprises
A côté d’évidentes possibilités d’usage en matière de recherche (simulations de systèmes quantiques, physique fondamentale, décomposition matricielle, biotechnologies), des applications concrètes sont d’ores et déjà mises en place ou envisagées, comme :
- le calcul d’optimisation dans le domaine de la mobilité, des chaînes d’approvisionnement ou de l’analyse financière,
- la cryptographie (les systèmes quantiques sont résistants aux tentatives de décryptage "classiques "),
- l’apprentissage automatique (recherche de solutions dans de grands espaces de données, machine learning en intelligence artificielle),
- la simulation de matériaux et de processus industriels complexes.
Cependant, les ordinateurs quantiques ne sont réellement efficaces que dans des cas spécifiques où les propriétés quantiques apportent un avantage significatif par rapport aux ordinateurs classiques. Pour de nombreuses tâches, ces derniers restent plus performants en raison de leur plus grandes fiabilité et facilité d’utilisation.
Limites et perspectives
Les capacités actuelles des ordinateurs quantiques sont limitées par de nombreux facteurs. Outre l’obligation de concevoir des algorithmes spécifiques pour exploiter les propriétés quantiques de la matière, le principal est une durée de cohérence limitée : un système quantique est par nature instable. Toute interaction avec l’environnement provoque un phénomène physique appelé « décohérence », qui peut rendre les calculs inexacts. Cela limite le temps pendant lequel un calcul quantique peut être exécuté de manière fiable.
Comme les qubits doivent être interconnectés pour exécuter des opérations complexes, créer des liaisons fiables entre de nombreux qubits tout en maintenant leur cohérence est un défi technique majeur.
Le risque de décohérence entraîne ensuite une série de contraintes fortes qui pèsent sur le développement de l’informatique quantique, comme :
- Un nombre de qbits limités. Plus il y a de qbits interconnectés, plus le risque de décohérence augmente. Selon IBM, un processeur quantique de plus de 1500 qbits constitue peut-être une limite indépassable. Cela restreint la complexité des calculs qu'ils peuvent effectuer et les types d'algorithmes quantiques exploitables.
- La nécessité de coupler des algorithmes de correction d’erreurs à des algorithmes quantiques spécifiques. Un ordinateur quantique est actuellement plus de 500 fois sujets à des erreurs de calcul qu’un ordinateur classique. De grands progrès ont été réalisés ces dernières années, mais le chemin à parcourir est encore long.
- Des conditions d’utilisation très complexes à mettre en œuvre. Les ordinateurs quantiques nécessitent des conditions de fonctionnement à proximité du zéro absolu. La mise en place et le maintien de ces conditions, ainsi que les technologies nécessaires pour manipuler les qubits, entraînent des coûts élevés de développement et d'exploitation.
Conclusion
L’ordinateur quantique reste limité à des applications ciblées, bien que les progrès technologiques permettent d’envisager un élargissement considérable de l’éventail des possibles. En tout état de cause, il semble qu’il ne remplacera jamais complètement l’ordinateur conventionnel, car il sera toujours nécessaire de coupler algorithmes quantiques et classiques (ne serait-ce que pour la correction d’erreurs ou la mise en œuvre d’opérations simples).
À propos de l'auteur.
Renaud Delhaye
Agence du Numérique